La fissure anale est une affection très fréquente, très souvent confondue avec les hémorroïdes, responsable de douleurs parfois très intenses, et qui peut être guérie par un traitement chirurgical simple et rapide.
Qu’est ce qu’une fissure anale?
La fissure anale est une petite déchirure située à la partie basse de l’anus. Dans neuf cas sur 10 elle se situe au pôle postérieur pouvant être légèrement décalée à droite ou gauche ; dans un cas sur 10 est située au pôle antérieur. Cette petite ulcération mesure un demi à 1 cm, avec une forme en goutte d’eau, la partie effilée se trouvant vers l’intérieur du canal anal.
Des éléments péri-fissuraires peuvent apparaître au cours de l’évolution : une papille anale hypertrophique à l’intérieur du canal anal, et une marisque au niveau de la marge anale, qui apparaît comme un petit repli de peau juste à la sortie du canal anal.
Causes et facteurs de risques
La cause exacte de la fissure reste discutée. On retrouve souvent un facteur déclenchant sous forme d’une selle volumineuse et dure, nécessitant des efforts de poussée, et entraînant une déchirure à l’exonération. Le pôle postérieur étant le point faible de l’anus, c’est en général à cet endroit que se produit la déchirure.
Il existe dans l’immense majorité des cas une hypertonie anale associée à la fissure, qui réalise une sorte de fermeture excessive de l’anus, liée à un spasme permanent du sphincter anal (contracture sphinctérienne).
Il se constitue ainsi un cercle vicieux avec lors du passage des selles, une douleur déclenchée par l’étirement de la fissure, et cette douleur est responsable en réaction d’un spasme douloureux du sphincter ; ce spasme persistant rend le passage de la selle suivante difficile, ce qui va à nouveau entraîner déchirure et douleur. Ce mécanisme est favorisé bien sûr par la constipation, mais une diarrhée peut parfois entraîner les mêmes résultats.
Le spasme sphinctérien gêne la circulation sanguine au niveau du canal anal, ce qui gêne la bonne cicatrisation de la fissure et favorise sa récidive.
Le traitement de la fissure découlera de ce mécanisme physiopathologique et consistera à essayer de favoriser un passage des selles en douceur et une diminution du tonus sphinctérien.
Consultation médicale
La consultation est en général motivée soit par des douleurs soit par des saignements ; ces manifestations font en général évoquer le diagnostic d’hémorroïdes, ce qui conduit à acheter en pharmacie des traitements veinotoniques (type Daflon, Ginkor, Diosmine…) sans efficacité dans ces circonstances.
La consultation proctologique permettra de porter le diagnostic : les douleurs sont déclenchées de façon typique par la selle ; elles peuvent survenir de façon immédiate ou alors être décalées par rapport à la défécation ; elles peuvent durer de quelques minutes à une journée complète et sembler alors être continues. Ces douleurs sont d’autant plus importantes que les selles sont difficiles. On retrouve souvent des épisodes identiques dans le passé, car les fissures ont tendance à se refermer spontanément au bout de deux à trois semaines et à récidiver lors d’une selle plus difficile.
L’examen proctologique permettra de confirmer le diagnostic en visualisant la fissure simplement en écartant de façon douce la marge anale. En fonction de la douleur cet examen pourra être complété par un toucher ano-rectal et par une anuscopie, qui utilisera un appareil de petit diamètre permettant de visualiser la fissure dans le canal anal et l’existence ou non d’hémorroïdes internes associées.
Traitement
Le traitement de la fissure est d’abord bien sûr médical, et ceci d’autant plus que la fissure est récente. Il repose sur la compréhension du mécanisme de la fissure et vise à permettre le passage des selles de façon non traumatique et non douloureuse. En cas d’échec, il sera nécessaire de recourir à la chirurgie.
Traitement médical
Ce traitement comportera des mesures visant à régulariser le transit : régime riche en fibres et si cela ne suffit pas, prescription d’un laxatif doux. Pour favoriser la cicatrisation de la fissure et le passage en douceur des selles, il sera prescrit une association de pommades et de suppositoires. En cas de douleurs intenses un antalgique pourra y être associé.
Traitement chirurgical
Différentes méthodes ont été proposées dans le traitement de la fissure, certaines visant à faire l’exérèse de la fissure et d’autres visant à supprimer l’hypertonie anale, permettant ainsi la cicatrisation de la fissure.
La seule méthode validée par des études scientifiques est la sphinctérotomie latérale fermée : cette méthode consiste à l’aide d’un bistouri très fin à aller sous la peau couper quelques fibres du sphincter interne, et ainsi supprimer l’hypertonie anale sans action directe au niveau de la fissure. L’avantage de cette méthode est qu’elle est réalisée sous une courte anesthésie générale en ambulatoire (entrée le matin est sortie en début d’après-midi, accompagné) et que les suites opératoires sont très peu douloureuses. Les complications postopératoires sont exceptionnelles et le risque d’incontinence redoutée comme dans toute chirurgie anale est inexistant si l’indication est bien posée et le geste réalisé selon les règles.
Parmi les autres techniques chirurgicales, la dilatation anale vise à obtenir le même résultat mais avec un risque important d’incontinence anale, elle doit être abandonnée.
Dans les cas où existent des éléments péri-fissuraires (papille anale, marisque) on pourra proposer une exérèse de la fissure et de ces éléments, associée ou non à une petite sphinctérotomie pour corriger l’hypertonie et éviter la récidive. Dans ce cas la cicatrisation sera plus longue et des douleurs postopératoires plus importantes.
Recommandations concernant les fissures anales
La fissure anale est une lésion provoquée et entretenue mécaniquement par le passage des selles. Le meilleur moyen pour éviter sa survenue est donc d’avoir un transit aussi régulier que possible : pour cela il est recommandé d’avoir une alimentation équilibrée et suffisamment riche en fibres (fruits, légumes, salades, aliments complets) et de se présenter à la selle quand le besoin se fait sentir en évitant d’y rester anormalement longtemps (abolir la lecture dans les WC !). Si malgré ces bonnes habitudes, le transit reste difficile, il est alors recommandé de voir son médecin et de se faire prescrire un laxatif non irritant qui pourra alors être pris au long cours sans danger.
Lorsque la fissure est présente, les mêmes recommandations s’imposent avec en plus l’usage de pommades et de suppositoires pour lubrifier le passage des selles. Si les douleurs persistent malgré tout ou récidivent de façon fréquente, il faudra prendre un avis proctologique pour envisager un geste radical.
Il faut enfin rappeler que devant un saignement à la selle, il faut toujours éliminer une cause colique qui pourrait se révéler plus grave (polype, cancer…) par la réalisation d’une coloscopie chez les patients après 40 ans ou présentant des antécédents familiaux de tumeur intestinale.
Dr Paul Dieterling